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Les Etats-Unis bombardent des bibliothèques en Irak

Publié le par sab

Entretien avec Fernando Baez, par Carlos Subosky, hebdomadaire Ñ, 3 février 2007.

Fernando Baez est un expert dans l’histoire des bibliothèques. Sa spécialité est l’histoire de la destruction systématique des livres en différentes périodes de l’humanité. Il a participé à plusieurs commissions faisant des recherches sur la destruction culturelle en Irak. Baez est né au Venezuela et licencié en Sciences de la Communication et docteur en bilbiothécologie.
-Vous avez visité l’Irak en plusieurs occasions et considéré dans vos recherches la destruction des livres et le vol de pièces de musées dans ce pays comme une des catastrophes culturelles les plus funestes de l’histoire. Qui sont les responsables de la dévastation culturelle de l’Irak ?
-La destruction culturelle en Irak a été et est un acte délibéré des Etats-Unis pour éliminer la mémoire de la culture irakienne, et affaiblir l’identité du peuple et de cette façon commencer le processus de transculturation au Moyen Orient. Ce qui se passe en Irak, c’est un mémoricide, parce qu’on tente d’effacer la mémoire historico-culturelle en détruisant la culture de l’endroit. Il y a déjà plus d’un million de livres détruits et des milliers d’objets très anciens volés ou détruits. Et tout cela se poursuit à un rythme atterrant. Et on ne détruit pas seulement les biens historiques. Mille intellectuels irakiens, opposés à l’occupation, ont aussi été assassinés.
-Il ya des preuves concrètes que la destruction fut une manœuvre préméditée et non le produit des actions de guerre ?
-Il y a des preuves : des données, documents et photographies, que nous avons rapportés à l’ONU et à d’autres organismes internationaux et qui se sont engagés à prendre des mesures urgentes. De plus, quelle meilleure preuve que celle d’un pays qui bombarde les bibliothèques, comme l’ont fait les Nord-Américains ? Celle de Bagdad a été démolie par de constantes attaques aériennes. Que dire des attaques militaires dans les sites déclarés Patrimoine de l’Humanité qui ont été rasés de façon préméditée ? Ou peut-être qu’une bibliothèque ou un musée sont des objectifs militaires ou des endroits dangereux ? Il est bon de rappeler que les 18 bibliothèques les plus importantes d’Irak sont détruites ou ont été fermées, sans accès pour le public.
-Il a aussi été constaté que ceux qui pillaient les musées ou brûlaient les livres faisaient partie de la population irakienne.
-Oui, c’est vrai. Mais le gouvernement des Etats-Unis a été averti du fait qu’il pourrait se produire une tentative de la population, en colère contre Saddam, de détruire les musées ou bibliothèques et que des voleurs internationaux d’objets historiques pourraient apparaître face à la déconcertation suivant l’invasion. Des plans ont été présentés pour la protection de sites culturels et ils n’ont pas été pris en compte. Des universitaires se sont réunis avec Bush et lui ont expliqué ce qui pourrait arriver, mais les avertissements ont été ignorés. Il y a des exemples historiques de cela : pendant la Révolution française, le peuple exalté détruisit des livres, des objets et tout ce qui était en relation avec Louis XVI. Dans le cas de l’Irak, on savait qu’il pouvait se passer quelque chose de semblable. Et la réponse des Etats-Unis a été de laisser sans protection les lieux historiques, les sites archéologiques et les bibliothèques. En plus de bombarder les sites historiques, ils ont encouragé la population, par le biais de propagande et d’argent, à détruire ces endroits. En Irak, j’ai vu de mes propres yeux la destruction culturelle que j’avais tant étudiée dans mes livres. A la bibliothèque de Bagdad, j’ai trouvé sous les cendres des fragments d’auteurs perses et arabes et qui n’avaient pas été traduits. J’ai vu sur le marché noir comment se vendaient des livres vieux de milliers d’années. Nous l’avons dénoncé sans résultat. J’ai rencontré des sages et des irakiens pleurant au sol sur des fragments de tablettes sumériennes brisées dans les bombardements.
-A cause de ces dénonciations votre livre « Histoire universelle de la destruction de livres » n’a pas été édité aux Etats-Unis ?
-Exactement. Ils ont fait pression sur moi pour que j’élimine toute la partie de la guerre en Irak pour l’éditer aux Etats-Unis. Ils m’ont retiré mon visa pour voyager aux Etats-Unis et diffamé de toutes les façons possibles dans les journaux, m’accusant de corruption et autres barbaries.
-Quelle est la situation en Amérique latine concernant les législations pour la préservation des livres ?
-Ils sont complètement en retard dans la situation actuelle du problème de la conservation et préservation du livre. Sur notre continent, la négligence a été ce qui a prédominé et il y a des exemples qui le montrent. Au Mexique, la situation des bibliothèques est désastreuse et il y a des exemples qui le prouvent. Dans les Etats de Jalapa et Veracruz, il y a des milliers de dénonciations des conservateurs de bibliothèques qui voient leurs livres dans des conditions déplorables et sans aide de l’Etat. Le gouvernement de Fox a été apathique avec les bibliothèques, pour la simple raison qu’elles sont des centres de diffusion de la culture, des centres de débat. L’idée de la mégabibliothèque proposée par Fox n’avait qu’une motivation économique et centralisatrice.
-Que s’est-il passé au Venezuela à partir du gouvernement de Chávez ?
-Chávez a eu une idée extraordinaire qui est de multiplier non seulement l’effort dans le domaine des bibliothèques mais aussi de soutenir les initiatives du point de vue des localités vénézuéliennes. Il a aussi écouté nos dénonciations avec beaucoup d’attention, dénonciations sur les négligences dans les bibliothèques, le manque de conservation. Ces problèmes ont été abordés de façon opportune et, dans la plupart des cas, résolus.

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